En ce début d'année, rencontre dans le cadre d’ " un entrepreneur nous est conté " avec Louise Pescheux, créatrice de Lou Divine, boute-en-train et vecteur d’enthousiasme. Quelle joie !
Un puzzle
Mes débuts universitaires ont été très académiques, conformes aux traditions familiales : faire de "bonnes" études. J’étais sérieuse, bonne à l’école, plutôt intello. J’ai démarré par une prépa littéraire et enchainé avec Sciences Po dans la filière histoire. J’étais passionnée par le sujet des femmes et de l’immigration alors j’ai réalisé un mémoire sur les femmes portugaises immigrées en France et passées par les bidonvilles. A l’occasion de ce travail, j’ai conduit deux entretiens et j’ai constaté que j’aimais beaucoup les contacts et les animation de groupe qui allaient constituer un fil directeur dans la suite des évènements.
Je n’avais aucune envie de persévérer dans la voie qui s’offrait presque naturellement, à savoir agrégation plus thèse et dès mon diplôme en poche, je suis partie en Australie avec un visa "working holiday" pendant un an. J’ai été serveuse, aide-cuisinière, femme de ménage dans une école dans le bush, c’est-à-dire au bas de l’échelle. Expérience très intéressante pour observer la réalité du comportement des gens quand ils vous classent dans la catégorie des " transparents". Je n’existais pas aux yeux du directeur qui ne me voyait ni ne me parlait.
J’ai réalisé à ce moment là l’importance du cheminement en soi, le voyage intérieur.
Je suis rentrée en France. Ma mère m’a parlée des études marketing pilotées par les instituts d’études. Et je me suis dirigée vers ce secteur. Les débuts ont été fantastiques. Pendant un an, c’était rigolo. J’étais associée à beaucoup de sujets étonnants pour moi et aussi différents que le parfum, les lardons ou les tests d’aspirateurs. J’avais un boss qui était génial. J’ai découvert avec lui les techniques projectives qui permettent d’accéder à l’imaginaire et l’émotionnel. L’air de rien et tout en riant. J’étais très libre, responsabilisée. Malheureusement, au bout d’un an, la situation s’est dégradée : la crise de 2008 s’est invitée. Cependant, mon implication dans ce domaine a duré 4 ans encore, jusqu’en 2012, dans un climat compliqué, dans deux autres organisations, très structurées, qui ne correspondaient en rien à mes valeurs. J’étais en quête de sens.
Parallèlement, je me suis tournée vers des cours de théâtre. Au départ, toute la partie échauffement, improvisation, jeux, était très gratifiante. En revanche la partie spectacles, où on passait surtout du temps à regarder les autres travailler sur scène ne me convenait pas, je m’ennuyais. Je me suis alors dirigée conjointement vers l’apprentissage de l’accordéon et du clown.
Le clown : je l’ai vécu de manière jubilatoire et explosive. J’ai libéré une énergie en moi dont je ne soupçonnais pas la force. Car le clown ne parle pas, ne joue pas, il "est". On apprend à développer les vibrations corporelles, indispensables à la réussite d’un numéro. J’ ai éprouvé de réels moments de grâce. Les gens qui fréquentent ces cours sont issus de multiples horizons : comédiens, artistes, gens du cirque. Avec quelques uns, nous avons fondé une troupe amateur, et monté un spectacle pour lequel nous avons effectué une tournée en Bretagne.
L’année 2012 a marqué " la rupture ".
Je me suis bêtement cassé un doigt et cet événement, anodin en apparence, a déclenché un burn-out. Je n’en pouvais plus : manque de sens, manque de relation au travail, harcèlement moral. D’où rupture conventionnelle. Episode douloureux, cela va sans dire.
Puis sempiternelle question : que faire ?
Je savais que je ne voulais pas être à nouveau salariée dans une entreprise. Pour le reste, la page était blanche.
Je me suis livrée à des recherches sur internet. Je suis tombée par hasard sur le blog d’une femme ayant connu des épisodes très similaires aux miens : ancienne prof de prépa, burn-out et tout le tremblement. Devenue coach, elle mettait en lumière le rire qu’elle avait expérimenté de manière très originale durant sa formation: l’influence du rire, la libération par le rire.
Je me suis inscrite à un stage de rire et à cette occasion j’ai repéré certaines des possibilités qui se dégageaient de la conjonction du rire et du jeu. Le rire pour rien, simplement rire. Retrouver le rire de l’enfant, se reconnecter à la simplicité, casser les barrières joyeusement et tisser des liens avec les autres participants. Et surtout agir réellement comme acteur. On vit les choses, on ne fait pas qu’assister.
En octobre 2012, j’ai monté l’ association " Pêche ton bonheur" dans le but d’animer des ateliers et promouvoir donc jeu et rire. La finalité était de pousser l’auditoire à se comporter non pas en consommateur passif mais à s’investir pleinement.
J’ai été invitée à des journaux télévisés et j’ai alors reçu des propositions d’entreprises pour intervenir dans des séminaires avec l’objectif de favoriser cohésion, synergie des équipes, dialogue etc.
La première fois, je me suis ainsi retrouvée devant un amphi de 120 personnes !
Dans la foulée, le personnage de Lou Divine a suivi, boute-en-train et vecteur d’enthousiasme, spécialiste de shows participatifs en entreprise. Ambiance inattendue et décalée garantie.
Qu’est-ce qui a changé pour toi ?
J’ai fait le choix de ne pas retourner dans l’entreprise et de suivre ma boussole intérieure : lier ressenti, émotions et les mettre en œuvre. J’ai opté pour la vie en allant vers ce que je suis. Avant j’agissais selon ce que je pensais qu’il était nécessaire de faire pour plaire, répondre aux attentes des autres, combler leur regard sur moi.
J’essaie aussi de me libérer de la peur de l’inconnu qui a pour conséquence l’enfermement et l’inaction : par peur, très souvent on n’ose pas.
Je fais confiance à l’humour parce qu’il apporte une distanciation qui permet de relativiser et d’estimer que finalement " ce n’est pas si grave".
Je ne suis qu’au début du chemin. Je m’amuse bien dans mes spectacles. J’éprouve autant de joies extérieures que de joies intérieures. Cependant la réalité est discontinue et reste difficile parce que je ne fais que vivre de bons moments épars qui sortent de l’ordinaire. Mais ça vaut le coup.
Les bonnes et mauvaises nouvelles
J’ai changé totalement de rails et suis passée d’un statut d’historienne à celui de clown, saltimbanque. Peut-être qu’ainsi je contribue à dévaloriser mon diplôme de Sciences Po. Mais j’ai pris ce risque.
Ce changement s’est traduit par des comportements d’incompréhension, surtout de la part de certaines personnes de ma famille. D’une certaine manière, je comprends car je bouscule les habitudes.
A l’inverse mes proches, mes parents, mes deux frères ainsi que deux amies me soutiennent énormément. Mon père est venu participer à un atelier de "Pêche ton bonheur". Tous me prodiguent des conseils, que ce soit pour la comptabilité, mon site internet, les vidéos que je crée, les relations avec les clients etc.
Au fil des rencontres, je trouve également sur ma route beaucoup d’autres appuis.
Néanmoins, dénicher des clients reste difficile. Le développement de l’activité est lent parce qu’elle est nouvelle, se situant entre spectacle, animation et développement personnel. Mais c’est la raison pour laquelle ça marche. Néanmoins il me faut toujours plus d’audace et d’innovation.
Le mot de la fin : Oser. Ecouter son envie profonde, la mettre en œuvre pour vivre sa vie.
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