Une proposition inattendue de publication qui tourne court sur l’air de : « Vous n’êtes pas légitime » ; une rencontre programmée avec un journaliste qui ne me dit rien qui vaille ; l’auteur en herbe, que je suis encore et encore, n’est cependant pas décidé à se laisser faire. Et l’histoire se poursuit…
Mais il est dit que les dieux ne me laissent pas totalement tomber. Déjeuner salvateur avec Gabrielle, dont le carnet d’adresse dans le métier de la communication est impressionnant. Entre la poire et le fromage, je lui raconte ce sujet de livre qui désormais m’obsède et lui décrit mes démêlés avec cette maison d’édition, qui me chagrinent. Je termine par le flou artistique qui entoure l’intervention du journaliste que je suis censée rencontrer. Elle est perplexe.
« - Je connais bien ce journaliste, il travaillait à l’Expansion avant de prendre sa retraite. Il est spécialisé dans la finance. Tu veux écrire un bouquin financier ?
- Non, pas spécialement.
- J’ai entendu parler d’un conseil éditorial : Solange. Elle fournit une vraie prestation d’édition que les éditeurs n’offrent plus depuis des lustres. Elle aide des auteurs à mener à bien leur projet et intervient ensuite comme agent pour les mettre en relation avec les maisons idoines. Va la voir avant d’envisager quoi que ce soit. Elle saura te conseiller. »
Mon portable ne me quitte plus, dans l’espoir de m’entretenir avec la fameuse Solange. Elle est injoignable. Je me ronge les ongles car le temps passe et la date fatidique approche. Enfin, enfin, elle répond ! Mon angoisse doit être perceptible car je suis reçue entre deux rendez-vous. Elle m’écoute très attentivement. La douche n’est pas froide, elle est glaciale. Pour la béotienne que je suis, le monde de l’édition se découvre sous un aspect des plus cyniques.
« Chère madame, vous avez été extrêmement maltraitée. Primo, vous avez vraisemblablement fait les frais d’un conflit interne entre une secrétaire générale qui soutenait peu ou prou ce plan et sa collaboratrice qui n’en voulait pas. Quelque chose les intéresse mais comme est tout déposé, ce dont je vous félicite, ils sont coincés. Cependant, gardez-vous de penser que vous êtes totalement protégée. À cet égard, j’ai un excellent avocat !!! Secundo, je vais vous dire ce qui est prévu. Le journaliste est retenu : il sera payé 5000 euros pour écrire votre livre dans un délai d’un mois. En gage de bonne volonté, votre nom figurera sur la couverture. Durant cette réunion, il est chargé de vous charmer pour vous convaincre du bien fondé de cette collaboration. Mon avis : laissez tomber, vous souffrirez mille morts. »
Nous bavardons très agréablement. Elle m’explique les arcanes de son métier. Une grande partie consiste à suivre des auteurs, préalablement sélectionnés par ses soins, dans leur processus d’écriture. Une fois leur travail abouti, elle se charge de trouver l’éditeur adéquat. Tout cela a un coût. Pour des écrivains déjà publiés, ses prestations sont rémunérées sous forme d’un pourcentage prélevé sur les ventes. Pour un premier ouvrage, elle facture une commission de 1500 euros. Je tousse. Solange me rassure : « On peut s’arranger ».
Elle parcourt rapidement le dossier que j’ai apporté. « Sincèrement, ce que vous avez concocté pour Chloé, c’est nul. En revanche vous exprimez d’excellentes vues, très originales. Lâchez-vous, envoyez-moi quelque chose et je vous ferai part de mon sentiment. » Avant de partir, elle me balance : « Quelle est votre légitimité ? ». Alors là, j’ai cru défaillir. Décidemment, on lui en voulait à cette petite !
Le ciel s’éclaircit. Je me sens soulagée. Il me reste néanmoins à décliner l’offre de Madame M. Henriette me répond et elle n’est pas contente : « Tu refuses notre proposition ». Solange avait malheureusement raison : le journaliste était bel et bien engagé !
Passé le choc de cette première prise de contact grincheuse avec un éditeur, l’espoir subsiste. Solange m’a suggéré de « me lâcher ». Après la parlote, je rentre dans l’action, ce que je souhaite depuis le départ, mais sans aucun indice quant à la manière de procéder. C’est le TEST : ai-je le talent de poser une vraie base à un livre ?
Ce premier essai est laborieux. Je me perds dans trop de pistes différentes qui m’empêchent de laisser émerger une vision vraiment personnelle de l’argent. Dans la souffrance, je ficèle un canevas qui demeure trop vague, persuadée que Solange me donnera un coup de main. Seul son silence me répond. Ce qui ne laisse pas de me surprendre, elle qui a tant vilipendé l’édition.
« Pour qui je me prends ? ou les tribulations d’un apprenti auteur »
Hélène de Montaigu
L'aventure continue dans le prochain numéro ...
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