La saison 1 de la série « Les tribulations d’un apprenti auteur » va s’achever. 18 mois après ce coup de téléphone qui m’a précipitée dans cette folle aventure, mes relations avec le monde de l’édition se terminent par une fin de non-recevoir. Mon manuscrit en main, que vais-je alors décider : le tiroir des projets oubliés ou une autre solution ? Une rencontre va me mettre la puce à l'oreille.
Heureusement, les vacances sont là qui calment mon cerveau en ébullition. Affalée dans une chaise longue, écoutant paresseusement le chant des cigales au fin fond du Minervois, tout en contemplant les feuilles de vigne caressées par la brise, je repasse encore et encore ces évènements incroyables qui ont ponctué ma vie durant ces derniers mois. Un projet d’écriture totalement inattendu ; des rencontres ; des rebondissements en tout genre ; le tout s’achevant lamentablement sur un non-lieu.
Cher lecteur, résumons les étapes de ce scénario digne d’un polar.
Démarrée à l’initiative d’une Henriette emballée, une première ébauche s’échoue sur la volonté manifeste d’une Chloé de la faire capoter. Son « Vous n’êtes pas légitime » m’a glacée le sang. Elle est, de plus, assez gonflée pour ajouter qu’elle fera écrire mes idées par quelqu’un d’autre. La chanson ne dira pas si ma rencontre avec Solange était une chance. Je n’ai pas eu le temps d’analyser les difficultés potentielles qu’aurait pu me valoir un travail en coopération avec un journaliste, que déjà me voilà plongée dans une collaboration avec Raoul. De l’action, enfin ! Dans l’ivresse de mon enthousiasme, je rédige un ersatz de livre délivré dans l’urgence. Avec ma naïveté d’apprentie je l’imagine déjà sur les étals des librairies, quand Angèle, avec un professionnalisme réel mais exercé tardivement, sonne le glas de mes espoirs. Ce qui semble donner, d’ailleurs, raison à Chloé : je ne suis pas légitime en tant qu’auteur.
Fin de l’histoire. Je me suis prise pour ce que je ne suis pas.
Ce genre d’aventure est d’une récurrence déconcertante. La vie est ainsi truffée de mille projets avortés. Pas de quoi se prendre le chou. Toute fierté ravalée, nous folâtrerons vers d’autres directions. Eh bien non, la mère Hélène a envie de se prendre le chou !
Concrètement, il me reste dans les mains un manuscrit, que je déteste cordialement, jeté rageusement derrière un fauteuil, auquel j’ai consacré avec persévérance des heures et des heures de boulot.
Mes pensées vagabondent (…).
Le sujet de l’argent, qui au début était une sorte de boutade, s’est ancré dans mon esprit. J’y ai pris goût. Je suis captivée. Les réactions, auxquelles je ne m’attendais pas du tout depuis que je parle régulièrement de mes recherches sur ce thème, m’ont convaincue, peu à peu, que je tiens quelque chose. Personne, absolument personne, ne se laisse aller à admettre un lien intime avec l’argent. Ce mot serait-il blasphématoire ? Je me vois opposer silences réprobateurs et sourires gênés. On m’entraîne dans des balades générales autour de sujets-bateaux qui n’ont rien à voir avec l’aspect relationnel. Je suis confrontée à des émotions telles que la peur ou la colère, à des comportements de défiance et de culpabilité. J’entrevois parfois de la jalousie. Une question jaillit cependant régulièrement : « Dans ton ouvrage, dispenseras-tu des conseils pour en gagner facilement ? » Caché sous une apparente indifférence, sommeille un paradoxe qui me tient en haleine. Mon intuition me paraît très pertinente. Une petite voix murmure : « Hélène, courage ! » Et du courage, il m’en faut. Toutes ces élucubrations ne trouveront d’applications que si je résous deux obstacles majeurs.
Ainsi que l’a exprimé Angèle : « Trouverez-vous l’énergie nécessaire pour réécrire entièrement le manuscrit ? ». En cet instant, je n’ai aucune réponse. Je ressens mon manque total d’expérience et perçois douloureusement mon besoin de conseils, de directives, d’un encadrement. Reprendre tout et toute seule m’apparaît très aléatoire. Aurai-je cette force ? Il me faut retravailler mon propos afin de faire émerger véritablement un fil directeur, un angle, et non proposer des réflexions trop dispersées et éparses.
De plus, l’écriture est loin d’être simple. Il ne s’agit pas seulement de s’asseoir devant son ordinateur ou devant une feuille armé d’un stylo et de décréter : « Je rédige le chapitre » comme on le fait pour un billet de blog. L’exercice est ardu. Il ressemble à la confection d’une recette de cuisine. Avant que d’être pleinement satisfait du plat final, il est nécessaire de s’y reprendre à plusieurs reprises et d’ajouter, modifier, soustraire, corriger. Il est essentiel de s’organiser, de s’imposer des horaires de travail, de trouver le bon rythme, de détecter les moments dans la journée où on dégage le meilleur tempo. C’est un investissement qui n’est pas toujours confortable. Car le mental s’en mêle : on avance et l’euphorie nous envahit, on butte ou on recule et le moral est en berne. Une sacrée aventure dont j’ignore si je sortirai victorieuse.
Enfin, l’autre difficulté et non des moindres : l’éditeur. Mes contacts avec la profession se sont révélés délicats. J’en conserve un souvenir cuisant. Je me suis heurtée à des codes dont je n’avais aucune notion. Qui plus est, le marché est saturé. La demande de publication est gigantesque : selon les chiffres, entre 6000 et 8000 manuscrits de nouveaux auteurs sont adressés chaque année aux maisons d’édition pour un résultat dérisoire. Mes chances sont minces ou inexistantes. Vais-je avoir l’audace de frapper à leur porte ?
Au milieu de cet état végétatif, je bavarde avec mon copain Andy, le gallois. Nous logeons quelques jours avec nos familles respectives dans une maison d’hôtes. Nous partageons un même amour des soirées mojitos et des après-midi à rôtir au bord de la piscine. Nous conversons alors de nos convictions politiques, de nos vies, de tout et de rien. Je l’entretiens de mes déboires éditoriaux. Il me raconte avoir déjà écrit un livre consacré à son activité professionnelle de webdesigner et il projette d’enchaîner sur un deuxième. « Mais, ajoute-t-il, j’envisage sérieusement la formule de l’autoédition. Libre de son calendrier, on ne dépend pas de celui d’un éditeur et la rémunération de l’auteur est meilleure. » Il précise pour ma gouverne : « Te publier directement te permet de tâter le terrain. Si tu imagines aller au bout de ta démarche, ce peut être une solution à considérer. Sache aussi, quelle que soit l’option choisie, que tu ne peux guère espérer mieux qu’un succès d’estime pour un premier ouvrage. ».
Paroles apaisantes que je médite. Des champs nouveaux s’ouvriraient-ils ? De petites lumières éclairent d’une lueur vacillante tout ce fatras de pensées mi-figue-mi-raisin. La question lancinante me vrille le tympan : « Suis-je cap » ? Mystère et boule de gomme. La balle est néanmoins dans mon camp.
"Pour qui je me prends? ou les tribulations d'un apprenti auteur"
Hélène de Montaigu
Dans le prochain billet, nous attaquerons la saison 2 qui pourrait s’intituler : « À la recherche d’une créativité nouvelle ».
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