Il m'est arrivé récemment une aventure tout à fait passionnante.
Dans mon réseau d'anciens banquiers et amis, certains ont atteint le rang très convoité de dirigeants d'entreprise et n'ont pas pour autant oublié leur vieille copine que je suis. L'un d'entre eux, nouvellement nommé responsable d'une des branches d'une grande banque, m'invite gentiment à déjeuner au siège de ladite banque, à La Défense.
La date est arrêtée trois mois avant avec sa secrétaire habituelle. Huit jours avant, le déjeuner m'est confirmé très officiellement par une autre de ses secrétaires. L'affaire s'annonce donc sérieuse. Je ne déjeune pas seulement avec un vieux pote mais avec un haut dirigeant. J'ai compris, pas de jeans, le tailleur est de rigueur.
Le jour J, j'arrive à l'heure dite, le hall est noir de monde, je me croirais sur le quai du métro un jour de grêve. Timidement, je m'annonce à l'accueil et indique que je suis invitée à déjeuner par monsieur X.
L'hôtesse me regarde avec des yeux de merlan frit, manifestement le nom ne lui évoque rien. Trente secondes après, elle est de retour, tout sourire, pour me dire qu'elle m'accompagne jusqu'à la salle à manger de la direction. Dont acte, c'est tout juste si elle ne me prend pas par le bras. Une fois arrivées au 20ème étage, elle me présente comme "l' invitée de monsieur X", je suis "remise" au responsable de la salle à manger, qui me prend mon manteau, puis à celui qui s'occupe de la salle à manger privée où je vais avoir le privilège de déjeuner avec monsieur X. Tout le monde se montre souriant et empressé, il manque juste la révérence.
Je suis en toute honnêteté morte de rire. Si j'étais venue déjeuner avec un vulgaire cadre dit éventuellement "de direction", je n'aurais pas suscité de tels salamalecs, mais étant l'invitée d'un grand chef à plumes, son statut rejaillit sur moi, il ne faut pas lui déplaire. Ah le pouvoir !
Néanmoins, j'aurais mauvaise grâce à dire que je ne me suis pas sentie flattée.
Puis telle Cendrillon, à 14h 30, le carosse est redevenu citrouille et j'ai repris le métro.
Il y a une magie du pouvoir, il exerce attirance et séduction, surtout pour ceux qui n' en sont pas mais le cotoient. Et le cotoyer peut faire s'imaginer que l'on en détient un peu, comme si une fée clochette avec sa baguette magique dispersait sur ceux qui gravitent autour des gens de pouvoir une quantité infinitésimale de sa "poudre de pouvoir". Pour avoir le privilège de rentrer dans le bureau du président ou même simplement de sa secrétaire aussi futile en soit la raison, l'honneur de lui adresser un E-mail de la plus stupide importance, combien se damneraient ?
J'ai revu un de mes vieux copains, coach comme moi. Nous avons suivi la même formation. Il promène sur la vie et les gens un regard d'une extrême générosité. Nous parlons de connaissances communes et notamment de l'une que l'on ne voit plus. Et lui de me raconter que cette personne, pourtant très coach, lui a fait la grâce de lui adresser un client potentiel avec une problématique de cadre de proximité. Et de me dire "tu comprends, il ne traite que les dirigeants".
Pouvoir, pouvoir, suis-je le plus beau (ou la plus belle) ?