Le nouveau cru 2012-2013 de
Hélène’ s network est sorti.
Après l’été qui s’est écoulé un peu
paresseusement, nous nous sommes enfin retrouvés. La formule a un peu changé,
les rendez-vous seront désormais toutes les 6 semaines. Il y aura des déjeuners
et des diners en fonction du sujet et de l’humeur de l’animatrice, c’est-à-dire
moi.
Vendredi dernier, j’étais dans une forme olympique, les gentils membres
l’ont d’ailleurs constaté. Un sauté de veau avait remplacé le curry d’agneau et
un côtes du Rhône, le bordeaux traditionnel. Et la petite dizaine que nous
étions s’est remuée les méninges dans la joie et la bonne humeur autour de la
légitimité. Vous savez cette petite chose qui nous préoccupe surtout quand nous
la recherchons. Et qui par essence, pour en rajouter une couche est
extraordinairement subjective. Pensez donc : la légitimité repose sur une
autorité conforme à des bases juridiques,
morales, éthiques et qui permet de
recevoir le consentement d’un groupe.
Le
fondement historique de la légitimité est bien sûr celle du pouvoir. De
l’élection du roi parmi les guerriers, les monarchies héréditaires se sont
ensuite fondées sur la filiation légitime c’est-à-dire issue du mariage. Dont
parfois en vertu de la loi salique, les filles de roi ont été exclues. De nos
jours la légitimité de nos gouvernants est issue des urnes.
Ensuite
il y a la légitimité de pouvoir, qui est celle qui nous intéresse au plus haut
point. Celle de prendre un job ou d’en changer, de prétendre à une augmentation
de salaire, d’écrire un livre, de gagner de l’argent, de s’enrichir ou de mener
n’importe quel projet différent du passé et qui nous tient à cœur. Comment obtenir considération, reconnaissance,
consentement ?
Dans
notre cher hexagone, il est intéressant de constater qu’au pays de l’égalité
des chances, nous sommes les dignes héritiers de la société féodale.
L’adoubement fondait la légitimité du chevalier. De même la réception du
compagnon comme maître, ou du bachelier comme clerc, dans les corporations. Il
faut bien noter que le conseil d’état ou la cour des comptes sont d’anciennes
corporations dont la création remonte à Philippe Auguste.
Nous
avons conservé l’idée de la réception avec le principe des concours dans l’administration
pour "entrer dans un corps ". Les rangs de sortie de L’ENA mènent
à ces voies royales que sont l’inspection des finances, la cour des comptes, le
conseil d’état, la préfectorale. De même les écoles d’application de
Polytechnique sont les corps des mines, des ponts et chaussées, des télécoms
etc. Ces légitimités automatiques sont d’ordre perpétuel. Qui irait s’amuser en effet à contester la légitimité d’un énarque ou
d’un normalien ?
Dans
le vocabulaire on dit bien de quelqu’un qui a réussi un examen, " qu’il
est reçu".
Cette
philosophie générale de l’adoubement a aussi structuré l’embauche dans les
entreprises. Le salarié est en quelque sorte adoubé par l’entreprise qui lui
offre la sécurité de l’emploi en échange de sa fidélité sans faille. D’où les sentiments
d’échec ressentis du coté d’un employeur lors d’une démission et inversement
d’un salarié en cas de licenciement.
Ces
traditions fondent un conformisme figé qui n’aime pas la nouveauté.
Ainsi un pianiste spécialiste de Chopin, ne pourra pas jouer du Rameau. Chez les acteurs, on distingue ceux
de la TV, du théâtre et du cinéma. Un spécialiste de rôle comique aura beaucoup
de mal à jouer des rôles de composition. Un inspecteur des finances, après avoir
trainé ses guêtres dans des cabinets ministériels, ira dans une entreprise du public,
dans la banque ou dans l’assurance. Dans certaines banques les belles carrières
sont réservées à ceux qui ont fait l’inspection générale interne. Et alors
qu’un banquier pourra aller dans l’industrie, le mouvement inverse est rarissime.
Sur quoi se fonde la légitimité ? Un milliard de
choses. Le diplôme, dont a vu qu’il servait parfois de légitimité perpétuelle.
On est ainsi HEC, ESSEC, ENA à vie. Et après ? Les compétences, peut-être,
l’expérience, l’expertise, les réseaux etc.
De plus le seul consentement d’un groupe n’entraîne pas
l’adhésion générale. Ceux qui se voient confier des responsabilités
managériales, savent bien qu’ils doivent obtenir leur légitimité de ceux qui
étaient précédemment leurs collègues et qui sont devenus leurs collaborateurs.
De même pour celui nouvellement embauché qui " doit faire ses
preuves".
Et quid du virage à 180° ?
La remise en cause de la légitimité est la compagne de
toute prise de risque. Avec l’enjeu de gagner comme de perdre. Du doute positif
comme le trac qu’éprouve l’acteur qui entre en scène, le défaut de légitimité
peut être vécu comme un frein très puissant à la mise en œuvre d’un nouveau
projet. Ne pas obtenir la considération ou la reconnaissance d’un groupe ou de
personnes importantes, comme l’entourage, peut être fort mal vécu. Les petites
phrases comme " tu n’es pas connu", "pour qui tu te prends?, "ça ne va pas marcher" ou même franchement " tu n’es pas
légitime" ne sont pas de nature à conforter.
Quelles intentions président à ces petites réflexions
assassines ? Ce n’est pas toujours positif. Ce peut être des réactions de
gens qui eux-mêmes doutent de leur
légitimité ou qui voient dans votre projet l’illustration de leur propre
immobilisme.
Bonne nouvelle ! La légitimité s’acquiert progressivement et se
retrouve dans les résultats que vous obtenez dans vos entreprises. Convaincre
un banquier de vous accorder un financement, des gens de travailler avec vous
ou faire affaire avec vos clients, ce n’est plus ni moins qu’obtenir leur
consentement et la reconnaissance de votre leadership dans vos différents
projets.
Pour conclure cette note un peu longue, je voudrais
insister sur deux points.
Le premier est que rien n’est jamais un hasard. Parfois
il faut rechercher dans son passé pour comprendre pourquoi l’envie de faire
autre chose vous taraude. C’est au chapitre de ce qui vous a motivé que la clé
souvent se trouve.
Le deuxième est que ceux qui vous semblent avoir bien réussi,
un jour, sont partis de rien.